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reconquerir l orthographe par le jeu

Reconquérir l’orthographe par le jeu

Reconquérir l’orthographe par le jeu mais pour quoi faire ? À moins d’avoir l’orthographe ancrée dans son ADN, il n’est pas inconvenant d’admettre que la matière est un peu aride. Jongler avec les concordances de temps, les accords du participe passé, les redoublements de consonnes ou autres homonymes, relève d’une discipline un peu austère voire, pour beaucoup de pratiquants, rébarbative.

La puissance du jeu comme mode d’apprentissage

Face à un recul sensible de la bonne pratique de notre langue, comment évacuer les mauvais réflexes et chasser les idées reçues ? Comment se réapproprier les règles et les bons usages ? Comment éradiquer les erreurs de conjugaison et d’orthographe… sans y aller à reculons ?

Gilles Brougère, Professeur de Sciences de l’Education à Paris XIII, défend ardemment la puissance et l’efficacité du jeu comme mode d’apprentissage. Il nous en donne une définition en cinq critères :

  • la fiction « réelle » : faire semblant part toujours de la réalité. Le joueur s’y investit avec autant de sérieux que dans la réalité ;
  • l’adhésion : il n’y a jeu que si le joueur le décide ;
  • la règle : elle est indispensable pour la structuration du jeu ;
  • la frivolité : il n’y a aucune conséquence sur la réalité. Le jeu invite à de nouvelles expériences dans lesquelles on n’a pas besoin de mesurer les risques qui freinent. On est force de proposition, plus créatif. On peut se surpasser ;
  • l’incertitude : c’est le moteur du jeu. Le jeu n’est jamais deux fois pareil. On ne sait jamais à l’avance comment il va se dérouler et finir.

On pourrait en ajouter un sixième : le nivellement. La part de hasard ou de stratégie propre au jeu fait que les meilleurs dans la discipline enseignée ne sont pas forcément les gagnants du jeu. De quoi (re)donner de la confiance et de l’assurance aux stagiaires les moins aguerris dans la matière, et les (re)lancer dans le processus de participation à la formation, et d’animation du groupe.

Jouer pour activer les connaissances

Un adulte apprend quand il agit et s’engage de façon permanente dans son processus d’apprentissage. Jouer permet de mettre en pratique immédiatement ce qu’on a appris. L’adulte est alors acteur de sa formation. Il devient essentiel, pour des formations efficaces, de construire celles-ci autour d’une pédagogie active.

Sur certains sujets (dont l’orthographe est une excellente illustration), cette approche se révèle plus performante qu’une pédagogie trop descendante. Les quiz, les jeux de cartes, les jeux de plateau, les détournements de jeu télé, etc. relèvent d’une pédagogie active qui amène le stagiaire à découvrir et à s’approprier les contenus de la formation.

Dans le processus d’apprentissage, la situation « d’activation » des connaissances reçues est essentielle et ne peut s’obtenir que par la mise en œuvre d’activités permettant aux apprenants de manipuler, de mettre en pratique ces connaissances afin de mieux les mémoriser. Toute connaissance non activée peut être considérée comme perdue !

En outre, comment ne pas associer la notion de plaisir à l’aspect ludique ? Un adulte apprend mieux si l’apprentissage lui procure du plaisir (ce n’est pas propre aux adultes, mais ceux-ci sont certainement plus exigeants que les enfants : « je ne suis pas venu à cette formation pour m’ennuyer ! »). D’où l’intérêt des jeux pédagogiques qui sont désinhibiteurs et allient le plaisir à l’apprentissage.

Pour preuve, le numérique s’est emparé de la méthode avec l’éclosion et le développement des serious games, ces logiciels qui combinent une intention « sérieuse » — de type pédagogique, informative, communicationnelle, marketing, idéologique ou d’entraînement — avec des ressorts ludiques.

En conclusion

L’académicien Roger Caillois, écrivain et sociologue, voyait dans le jeu un vecteur de socialisation de l’individu, une activité libre et incertaine, fictive et réglée, et surtout improductive au sens économique du terme. Le jeu (sous réserve qu’il ne soit pas d’argent) ne crée ni biens, ni richesse, ni élément nouveau d’aucune sorte ; et aboutit à une situation identique à celle du début de la partie. Près de 60 ans après la publication de son recueil “Le jeu et les hommes”, force est de constater que le jeu au service de la pédagogie est peut-être en train de changer la donne en générant, sinon de la productivité, du moins de l’efficacité dans l’apprentissage et la formation des individus.

Jean-Renaud Plas — Orthographe et Grammaire Françaises

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